La fin d'un cycle

Mes doigts se glissent sur les meubles de la taverne. Amoureusement, comme sur le corps d'un amant. Que j'ai aimé ce lieux… Il n'y avait rien et nous y avons tout battit. Mais les lieux ne sont rien… Ce sont les personnes y vivant qui leur donnent une âme. Et mes sœurs ont donné à cette citadelle la plus belle qui ne soit à jamais.

Mes sœurs… Comme je peux les aimer!
Niwema, ma si rayonnante nièce…Si j'avais eu une fille elle n'aurait été comme elle, elle aurait été elle. Mes pensées s'embrouillent à revoir le visage de chacune d'entre elles… Cassis, ma sœur vampire, Ezechielle l'ange de notre citadelle, Haika cette superbe guerrière, Cerise aussi sucrée que son nom, Linah la jeune lapine et celles qui ne sont plus, Katsue, Prue, la belle succube… Mes yeux se voilent sur mes larmes naissantes. Je les laissent doucement naitre et grandir.
Elles s'en viennent mourir sur mon loup, dissimulant aux yeux de tous mes mes joues amaigries.

Il est temps de m'en aller. Je traverse la salle à grande enjambées mais m'arrête brusquement, une main sur le cœur. Ce cœur qui me fait de plus en plus souffrir…
Je ne veux pas qu'elles me voient ainsi… Je veux qu'elles se souviennent de moi comme dune femme forte et non pas d'une reine tremblante à l'aube de son déclin. Dieu que je les aime.

Mes doigts s'égarent dans mes cheveux qui autrefois faisaient ma fierté, y cueillent délicatement le diadème qui les encadre. D'un geste lent je le retire.
La fin de mon règne… Je ne pensais la voir arriver si rapidement… Dun même mouvement que je veux fluide, j'ôte ce loup qui dissimule de moitié mon visage. Je n'irais pas vers ma fin ainsi dissimulée. Je dépose le couple d'objet sur le comptoir.
Triste écrin pour une couronne si chatoyante.

Un dernier regard sur les lieux et je me dirige vers la porte. Elles comprendront, je leur ai déjà tout dit….

J'étais assis, dans l'ombre, entre deux heures dont je ne me souviens plus les chiffres ... Je l'avais vue entrer, contempler ses souvenirs de toute une vie qui resterait à jamais graver dans ses yeux ... Je l'ai vue se dévêtir de sa couronne qui symbolisait tout un statut et toute un ère .. Une couronne qui lui allait si bien et qui faisait frémir mâles et damoiseaux ...
Je baisse les yeux sur le sol quand son loup s'en va quitter son visage à jamais, continuant ainsi son souhait de ne jamais se dévoiler totalement à un homme ... Je suis ses mains délicates qui s'en vont poser les objets, les symboles de son règne parmi les hommes ...
Je regarde son dos bien droit et fière quand elle se fut retourne et je ne pus m'empêcher de sourire, sachant combien elle voulait garder son image d'elle même ... Ses jambes musclées et délicates l'emmènent déjà vers la porte qu'elle franchit quelques secondes plus tard, laissant derrière elle des femmes dont le désarroi sera immense ...
Dans le silence de son départ, comme si la demeure elle-même la pleurait, je laisse échappper un petit souffle vers sa chevelure déjà si lointaine ...

Bonne route Ayame ... Nous nous reverrons tôt ou tard ... mon ... amie ...

Une larme coule sur ma joue ridée tandis que les souvenirs remontent de ma mémoire ... de loin ... si loin ... notre première rencontre dans une auberge ... une ballade sur une plage ... des cours de fouet pour moi et de massage pour elle ... l'intimité qui naquit entre nous ... un baiser lors d'un soir d'hiver ... une douce amitié tintée d'amusement ... son rire ...
Mes yeux fixent à nouveau l'endroit où elle a disparu

Oui mon amie ... On se reverra ...

Aurais je pu savoir, aurais je du savoir ? Que ce matin là n'était pas le bon, que ce matin là serait un crépuscule.. Aurais je crus alors ? Mes pas d'alors, ne m'auraient ils pas été plus lourds et plus funestes ? Pourquoi donc, ce matin là, je me suis avancée comme toujours, légère et souriante ? Pourquoi ce matin là a t-il fallu que je sois si pleine d'amour. Aurais je été mal réveillée que cela aurait aténué la douleur qui envahit maintenant mon coeur ? Comment suis je arrivé là ? Comment et pourquoi mes yeux se sont ils posés sur ces deux objets... seuls. Irrémédiablement seuls. Je n'ose les touchés, ils sont encore sublimes, ils portent encore son odeur, son essence, son parfum, sa force.

Elle est partie.

Quel champ de bataille pourrait avoir cette horrible langueur ? Quel combat pourrait me laisser plus mortel blessure ? Peut-être un souvenir aurait la même odeur que celle de son absence.. un souvenir vieux.. lointains.. un souvenir qui se repette aujourd'hui, comme une sentence. J'avais, dans cette forêt, dans cette maisonnette, perdu ma mère, ma seule famille. J'étais bien jeune alors. J'avais perdu ma joie et mon coeur devenu vide, je fuyais ce que je pouvais. Elle était alors venu à moi, prophète d'une nouvelle vie alaquelle je n'orait pas rêvée. Elle.. ma sauveuse. Ma sauveuse puis ma tante, puis ma soeur, puis ma reine.. à jamais ma seconde mère. Celle qui était en vie. Et voila que maintenant, maintenant.. elle est partie.

Elle ne reviendra plus.

Je le sais. Comme ma mère avant elle, elle ne reviendra plus. Jamais. Comment accepter cela ? Comment supporter la douleur de cette seconde perte ? Pourrais je seulement ?
Mes mains se tendent vers le loup, posé là, attendant en vain le retour de sa maîtresse. Mes doigts l'effleur, ils tremblent, je les voit trembler.. De quoi ? De peur ? Oui. De tristesse ? Oui. D'amour ? Bien plus. Ils tremblent de ne plus la revoir, ils tremblent de cette peur inébranlable qui m'envahit, et de cette tristesse qui s'alourdit sur mes épaules, de cet amour... de cet amour bien plus fort que tout le reste. De cet amour qu'elle m'a donné, de cette force connue et intouchable qui me force à ne pas sombrer. De cet espoir, flamme à jamais brûlante dans mon coeur, cet espoir qu'elle à su me donner, à moi l'orpheline, d'avoir une famille. Oui, je suis de nouveau orpheline, mais je n'ais pas tout perdu comme avant, non, maintenant j'ai une famille, des soeurs et des amies qui comptent sur moi. Je ne les décevraient pas. Je n'essairais pas de remplacer ma reine, ma tante.. non, personne ne le peux, et ne le pourra jamais. Mais, je leur donnerais cet amour qui me fut offert par la plus magestueuse et douce des sauveuses.

Je n'oublierais pas sa voix.. cette voix qui avait chanter à mon oreille, le soir où j'avais tout perdu.
Je n'oublierais pas son sourire.. je ne l'oublierais pas. Et j'avancerais à sa gloire. Je ne baisserais pas les bras, mes soeurs. Je voux soutiendrais comme Elle m'a soutenu. Je vous aimerais comme Elle m'a aimée et comme je l'aime. A l'infinie.

Elle est partie et ne reviendra pas..
Mais dans mon coeur, jamais ne mourra.